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D’ailleurs et d’ici#3 à commander !

D’ailleurs et d’ici #3 (R)évolution culturelle, sous la direction de Marc Cheb Sun

En prononçant ce premier mot, culture, certains se redressent, mains derrière le dos, droits comme des i, et se raclent la gorge prêts à se lancer dans un discours solennel. Osant à peine articuler le second, art, beaucoup se réfugient dans le murmure, avec la sensation de formuler une chose bizarre, lointaine, une chose pas pour eux. Lorsque d’autres au contraire s’en gargarisent, exhibant les trois lettres-sésame comme s’ils affichaient un titre de propriété. La chose, croient-ils, fait évidemment partie de leur monde !

Parler d’art et de culture, pourtant, c’est parler de vie, d’énergies, d’émotions, de révoltes, de bouleversements. De pluralité.

Premier enjeu : changer la donne, permettre à chacun, chacune de distiller des parts de sa culture, elle-même plurielle, dans la culture commune. Bien remuer, énergiquement mais délicatement, sans disloquer les ingrédients, sans les neutraliser, sans les aseptiser. En les aimant tels qu’ils sont : interpellants, perturbants, libres ! Pas besoin, par exemple, de diplôme national de danse hip hop, comme on veut le créer ; une idée contraire à l’essence de ce mouvement. Reconnaître, valoriser, sans normaliser. Besoin d’une vision, d’une détermination.

Bien remuer, donc. Petit rappel : délicatement. Faire circuler l’ensemble sur tous les territoires. Sans obligation d’adhésion. Mais offrir le choix, la possibilité d’avoir le choix, l’accès à tous les lieux, toutes les pratiques, les expressions, des campagnes aux cités. Parce que l’accès égal, c’est bien la responsabilité de l’action publique. Et tant mieux si nombre d’initiatives privées s’en mêlent. Prendre ses responsabilités, tout en stimulant l’action des citoyens, celle des artistes et des entrepreneurs culturels. En écoutant leur diagnostic, surtout. Facile à dire, impossible à faire ? Pas si l’on s’inspire de celles et ceux qui s’activent, coûte que coûte, malgré les pesanteurs, les blocages.

Ils sont nombreux à radoter les nostalgies d’une vieille France, centrale et centrée sur elle-même, dominante, “universelle” car sûre de ses valeurs immuables et de leur supériorité.

Lorsque les esprits se recroquevillent, lorsque les entre-soi s’affichent, lorsque les identités figées/apeurées/nostalgiques s’affirment, lorsque l’obsession de la disparition, celle du «remplacement», grand ou petit, gagne du terrain, avec la complicité de médias publics qui laissent à ces idées une place de choix…

Écoutez-les dénoncer le modèle multiculturaliste. Pour nous proposer quoi ? Le monoculturalisme ? Le mot sonne étrangement absurde. Pourtant ce serait bien ça le contraire d’un multiculturalisme tant décrié, non ? Écoutez-les s’émouvoir des communautarismes, bien engoncés dans leur propre communauté qui n’en serait pas une, bien sûr, tant elle est pour eux la norme.

Écoutez-les refuser des statistiques ethniques ou, pire encore pensent-ils, des quotas, quand leur aveuglement pousse les artistes non blancs à réclamer de telles mesures, le plus souvent de mauvais gré. Simplement le moyen d’être enfin visibles, audibles, intelligibles.

Écoutez-les brandir le spectre de la repentance dès que nous constatons l’absence des questions esclavagiste et coloniale dans nos productions culturelles.

Regardez-les, in fine, fabriquer ce qu’ils prétendent condamner, des réflexes communautaires le plus souvent défensifs… Ainsi, certaines personnes discriminées en arrivent à dénoncer «l’appropriation» d’une culture dont elles seraient dépositaires du fait même de leur oppression. Lorsque des Blancs, par exemple, «s’emparent» des musiques noires… Se sentir spolié de ce qui est fait pour circuler ? Absurde, dangereux.

Même si une forme d’expropriation culturelle existe bel et bien : vrai que les artistes racisés restent suspects, et leurs voix marginalisées, dès qu’ils s’emparent de sujets jugés sensibles par la société majoritaire.

On y croit, on le sent, on le crie, notre créativité peut être notre dernier souffle. Elle échappe à tous les enfermements, crée des rencontres inattendues. Elle secoue les prêts-à-penser. Menace les totalitarismes, prétendument religieux ou politiques. Des écrits, des images, des gestuelles viennent perturber ces tristes ronronnements et souffler d’autres musiques à nos oreilles engourdies. Les voix d’une France plurielle, plurielle de tous ses territoires, de toute son histoire, de toutes ses différences.

Et c’est bien là l’enjeu final. Ouvrir nos imaginaires.

Marc Cheb Sun

Pour le commander : c’est ici !

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