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BBB : Gay NIGHT FEVER (Septembre 2009)

Dimanche soir, à paname, place blanche, ça s’illumine. Soirée « Black Blanc Beur », «BBB» pour les initiés. pas beaucoup de White à l’horizon. Quelques femmes, hétéros et lesbiennes. À «BBB», c’est «G» comme «Gay».

ils viennent de la capitale, des banlieues ou de province. Samir, 22 ans, étudiant, bandeau Nike et tête rasée, arrive de Marseille. Maghrébins, Antillais, Africains… Deux Allemands n’en reviennent pas. Regards. Les blancs ne sont pas au centre de la piste. Pour Max, 38 ans, d’origine malienne, « ça serait mieux de leur interdire l’entrée ». On reste un peu sans voix. Il explique : « Ils viennent avec leur Caddie. Tellement marre d’être pris pour l’étalon, la bête de sexe. Je ne sortirai plus jamais avec un blanc. On est beaucoup à penser ça ». Violent et sans appel. Ce rejet, Julien, 30 ans, le ressent fortement. Il précise ne pas venir ici « avec son Caddie », mais bien « pour la culture hip-hop, totalement absente du milieu gay ». À BBB, le rap croise le R’n’B, le raï, le chaâbi et l’afro. Ce qui attire à cette soirée ? À l’unanimité : « La musique en premier, et tout ce qui va avec ». Un loisir ? Non, bien plus. « Ici, c’est une communauté à part : celle des rejetés de partout. Pour bon nombre d’Antillais et d’Africains, nous sommes des traîtres, vendus à Babylone, des erreurs de programme », pointe Jean-Claude, 38 ans, Guadeloupéen.

Du concept ethnique…

Pour comprendre l’enjeu, il suffit d’être attentif aux quatre coins du club. Improviser un pas de break, reprendre un refrain en arabe, un couplet rap… Banal, diront certains. Pas pour eux. Ici, des jeunes peuvent revendiquer leur part des cultures urbaines et hip-hop, communes à ceux de leurs quartiers. « C’est à nous aussi, confirme Miguel, 24 ans, venu du 78. Moi, les Blancs qui sont là ne me dérangent pas, je ne les vois pas, je viens pour kiffer ma musique. Et relever la tête. » Le concept ethnique ne gêne pas Farid, 35 ans, fonctionnaire lucide: « C’est la société de consommation… Mais pas seulement : BBB, ça représente aussi un lieu important pour les beurs qui ont du mal à s’affirmer. » « C’est rassurant de voir des noirs et des rebeus, confirme Hakim, 19 ans. On se demande souvent si on n’est pas le seul à combiner ces origines avec le fait d’être homo. Je m’éclate plus dans les boîtes hétéros parce que j’y vais avec mes potes, mais les soirées BBB me permettent d’entretenir mes deux facettes : quartier et homo. Ça fait la jonction. » Côté mecs ? « Tout sauf blanc ! » Clair ! « Après trente ans, c’est différent, tempère Farid. Quand tu t’assumes, tu es plus prêt pour le métissage. » Pour Alain, 34 ans, martiniquais, «Il y a trop de discriminations dans le milieu gay. Blacks et beurs se rassemblent ici et, du coup, préfèrent rester entre eux ». Brahim, 23 ans, aime se mélanger. Pour lui, BBB « est un peu trop communautaire ». Il désigne son copain, Mathieu, blond et timide, rencontré il y a un an sur la toile. Brahim a grandi au Maroc. « Ma famille sait tout, elle accepte et connaît mon ami.»

Face aux blancs, Samir se dit « méfiant et ouvert à la fois ». Mais encore ? « La relation est ambiguë. D’un côté, oui, j’aime plaire. Mais j’en ai vraiment marre qu’on fantasme sur le rebeu ou le renoi viril. » Il dit les choses comme ça : « On ne peut pas se construire sur de l’exotisme ». Du coup, il ne sort pas souvent. Pour lui, « les soirées ethniques accentuent un rapport pervers déjà présent ailleurs. J’attends le jour où l’on viendra vers moi pour ce que je suis, pour ce que j’ai dans le cœur, et pas à cause de mes origines, de ma couleur et, surtout, de ce qu’on projette dessus. »

…au caddie ethnique

Si les soirées BBB ont initié le style, d’autres aujourd’hui prennent le relais. Ici, on propose du «total beur», avec consommation sur place. Les Asiatiques ont aussi leur jour. « De cités à cités », annonce cette pub pour site ethnique. Les « arabianfashionvictims » peuvent carrément tomber dans le sordide. Sur certains sites s’exhibe un étalage de pure fascination coloniale. De fenêtre en fenêtre, on tombe sur des pubs pour films X, « images volées au Maghreb ». Pour un bon prix, on vous propose « des scènes avec rapports non protégés » (sans préservatif) en direct du bled! Largement de quoi « remplir son Caddie». Et renforcer, un peu plus encore, les replis de ceux qui ont choisi de vivre à la marge du « monde blanc ». Et de ses fantasmes.

Marc Cheb Sun

Photo : Homardpayette / Respect Mag

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