Non-dits. Depuis les attentats de janvier, il s’agit de lever les non-dits pour éviter que les lignes de fracture ne se creusent davantage, une conviction partagée par des imams, des rabbins, des responsables associatifs, des intellectuels. «En 2004, nous organisions une journée semblable, à la Sorbonne. 1 800 personnes se pressèrent alors dans le grand amphi,a rappelé dans son discours d’introduction Esther Benbassa, cette fois devant 350 personnes. Nous étions dans le sillage de la seconde intifada, à un moment où le conflit israélo-palestinien avait déjà commencé à détériorer les relations ici. Et, pourtant, dans les années qui avaient précédé, on pouvait encore vivre ensemble sans trop de heurts dans les banlieues.»
Que le conflit israélo-palestinien alimente l’animosité entre juifs et musulmans français, nul ne pourrait le nier. Mais l’intérêt des réflexions partagées au Sénat a été de le placer dans un contexte plus large. Celui d’abord d’une méconnaissance réciproque qui nourrit, de chaque côté, les stéréotypes et les peurs. «Juifs et musulmans, nous nous côtoyons très peu», a reconnu Sihame Assbague, porte-parole du collectif Stop le contrôle au faciès. L’écrivain Marc Cheb Sun a insisté, lui, sur ce qu’il appelle «la concurrence des mémoires», celle de l’histoire de la Shoah et l’histoire de la colonisation. Pourtant, juifs et musulmans français ont souvent en commun un passé en terre d’islam. La communauté juive française, exsangue après la Seconde Guerre mondiale, a été redynamisée par l’arrivée massive de juifs pieds-noirs (environ 250 000).
«Jalousie». Pour l’adjoint au maire d’Ivry (Val-de-Marne) Mehdy Belabbas c’est aussi «une histoire de jalousie. Les musulmans, peu ou pas organisés, ne disposent pas d’instances représentatives qui leur permettent d’intervenir efficacement dans le débat public». «Ce que nous souhaitons, c’est que des journées de débat comme celles-ci se multiplient», plaide Jean-Christophe Attias, confiant davantage dans la mobilisation citoyenne que dans les discours politiques ou ceux des institutions.
Bernadette Sauvaget