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KAD MERAD, les comédies de la vie (Septembre 2010)

Quand l’Algerino devient l’Italiano… France 2010 : Kad Merad incarne un Maghrébin qui se fait passer pour L’Italien dans le film éponyme d’Olivier Bargoux. Sur nos écrans dès le 14 juillet. Souvenirs de tournage, juste avant l’été.

Le thème, très présent dans la littérature américaine, est peu traité en France. Le glissement d’un individu, et d’une identité « raciale » minoritaire, vers celle du groupe majoritaire…

Cette histoire peut parler à pas mal de gens. Outre la question « raciale », beaucoup sont amenés à travestir une partie de leur identité, du fait d’une discrimination. Le sujet est très sérieux, même s’il est amené par le biais de la comédie. Ce qui ne veut pas forcément dire « comique »… Ce sont des moments de la vie, du rire et de l’émotion. C’est la force du film : on est touché, même si ce n’est pas tragique. Durant le tournage, l’émotion est arrivée sans qu’on s’en rende compte. La relation du personnage à son père a pris une importance particulière. Mon propre père s’appelait Mohamed; en France, on le nommait Rémi. Je ne pense pas que ça ait été une souffrance pour lui. Malgré tout, le rôle renvoyait à quelque chose qui me parlait.

Pour les besoins de l’histoire, votre personnage découvre les gestes du ramadan. On vous sent, dans la progression du film, de plus en plus habité par une spiritualité…

Ça me touche que vous ayez remarqué ça. Dino/Mourad n’est pas croyant. Au début, il apprend la pratique comme une gymnastique. J’ai été amené à mimer tous ces gestes, des ablutions à la prière, cela a réveillé beaucoup de souvenirs en moi. J’ai vu ma grand-mère prier, c’était calé dans un coin de ma tête. J’ai toujours trouvé ça très émouvant. Jouer la prière, c’était respecter cette émotion. Ce n’est pas quelque chose qu’on peut survoler. En le mimant, j’ai commencé à ressentir des impressions très fortes, très remuantes. Je voulais que ça soit intimement vécu et, au bout d’un moment, ce n’était plus une question de volonté, c’était une évidence. Pourtant la religion est loin de ma vie, de mon quotidien. Bien sûr, c’est du cinéma, mais j’ai envie de dire… on ne peut pas faire semblant de prier. On prie ou on ne prie pas. J’ai beaucoup aimé cette proximité.

Mourad aurait pu choisir une identité française, il devient l’Italien… Un étranger moins «étrange» ?

Il choisit l’Italien pour son côté brillant, vivant… Ce qui permet la comédie dans le film. Et dans sa vie aussi, ça instaure une part de comédie. Devenir français aurait été trop frontal, trop militant.

Dans vos rôles, on a vu peu de personnages maghrébins…

Je ne sais pas si j’étais assez fort pour incarner cette moitié de moi. Je n’étais peut-être pas prêt. Cela dit, je n’ai pas refusé : on ne me l’a pas proposé. Sauf… mon premier rôle à la télé. J’étais élève comédien et j’ai joué un éduc’ en banlieue : Ahmed Benmabrouck! Vous voyez : sans ambiguïté (rires). Oui… ça m’a un peu traumatisé. Un premier rôle, ce n’est pas rien. Être acteur, c’est vouloir jouer toutes les couleurs. À d’autres occasions, on m’a bien fait sentir qu’une partie de mes origines (celles de mon père, donc) faisait qu’on m’imaginait mal dans tel ou tel rôle. Bien sûr, ça jouait beaucoup car je n’étais pas connu. Je m’appelais à l’époque Kadour Merad, j’ai voulu changer de nom et puis, finalement, j’ai tenu. J’ai juste enlevé trois lettres, Kadour est devenu Kad.

Une baguette magique?

Voilà… Je n’ai pas de problème à parler de ça, pas de complexe sur mes hésitations, ni sur mes choix. Tout cela fait partie de moi. Vous voyez : ce film n’est pas un hasard. Maintenant j’enchaîne avec La fille du puisatier d’après Pagnol. Bon, je cherche un peu la merde. En France, on aime bien qu’un acteur « reste à sa place », dans un registre qu’on lui connaît. Dès la rentrée, je serai sur scène dans une comédie musicale, reprise de The shop around the corner. Et j’ai réalisé un film, actuellement en montage. Ça parle du mensonge, de la paternité et de l’abandon. Ce n’est pas une comédie très rigolote, c’est aussi une comédie de la vie.

Le mot «respect» ?

C’est celui que je répète le plus à mon fils… Et que mon père m’a le plus rabâché !

Marc Cheb Sun

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