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Rencontre avec Marie-Laure Sauty de Chalon

Janvier 2011 in Respect Mag. La nouvelle Pdg du premier portail féminin mondial, aufeminin.com, nous parle femmes, médias, engagement et solidarité. Yes, it’s a women’s world. 

Pour diriger une grosse boîte, ouverte sur le monde, faut-il avoir le souci de l’autre, et des autres ? 

Je pense que les valeurs féminines sont, par essence, celles de l’ouverture. Les femmes sont le maillon de la transmission, de la construction des valeurs. Mes responsabilités sont multiples : être une femme, diriger un site féminin, et être à la tête du seul portail français ayant réussi au plan international. Je ressens à la fois une trouille très stimulante, et une très grande énergie. 

Pourquoi ce média-là a-t-il connu une réussite internationale ? 

Peut-être parce qu’il a été créé par des gens qui n’avaient jamais travaillé dans les médias (rires). Ils étaient complètement à contre-courant. Là où tout le monde disait «on ne pourra jamais y arriver, les médias sont locaux, les femmes françaises ne sont comparables en rien aux Italiennes, etc. » ils sont partis d’une optique tout à fait différente. Les femmes viennent parler chez nous parce qu’elles sont anonymes. Aufeminin permet de s’exprimer parce qu’il y a dissimulation sous un pseudo. On voit des trucs incroyables dans les tables rondes, des femmes qui disent : « Sur Facebook, je suis la femme que je suis, celle que peuvent voir son patron, sa belle-mère, ses copains, ses futurs employeurs, ses collègues… Sur Aufeminin,  je suis anonyme, donc je suis moi-même. » Étonnant : nous avons finalement permis aux femmes d’être plus vraies… en étant plus fausses, c’est assez drôle quand on y réfléchit ! 

On dit souvent que l’essor du continent africain est indissociable de la vitalité des femmes. Envisagez-vous de faire quelque chose avec l’Afrique ? 

Le site n’a pas, spontanément, beaucoup d’audience qui remonte d’Afrique noire. Je pense que c’est lié à Internet, et que ça va changer avec le téléphone mobile. On est passé en gratuit sur les applications Iphone depuis mon arrivée : si on veut écouter la voix des gens, il faut que cela soit gratuit. L’international, c’est mon sujet principal. Nous avons réussi à être premiers en France, en Espagne, Allemagne, Italie, en Angleterre. Il y a quelques mois, nous sommes sortis en Pologne, et, par hasard, au Vietnam. Mais en gros, notre réussite a essentiellement touché des femmes occidentales. Puis on a repéré une audience spontanée venant du Maghreb, du Canada, à cause du français, des Latino-américaines à cause de l’espagnol. Nous sommes le premier site féminin au Canada, mais aussi au Mexique. Il y a une attente. Nous avons un objectif d’investissement assez lourd dans plusieurs pays, notamment en Afrique du Nord. Nous préparons une version en arabe. 

En France, dans les années 70-80, les grands journaux féminins ont joué un rôle important, pour le droit à l’avortement par exemple… 

Ils ne l’ont plus fait pendant quelques années, mais il y a eu un nouvel engagement avec Elle en Afghanistan, puis Marie-Claire sur le cancer. Aufeminin n’est pas un média d’engagement, mais plutôt de solidarité. Une sorte de média d’urgence. Nous sommes intervenus auprès de femmes qui appelaient au secours. En ce moment, l’équipe travaille sur ce que peut être notre engagement, parce que, encore une fois, on a une responsabilité et on ne doit pas décevoir. Nous pourrions formuler une sorte de plate- forme internationale. 

C’est-à-dire ? 

Cet été, nous avons posé des questions aux femmes sur la bioéthique, avec le regard d’une psychiatre. Dons d’ovocytes et de spermatozoïdes, insémination des femmes seules ou homosexuelles… Et ce dans tous les pays. On voit que, sur le sujet, les Françaises sont en avance sur le reste de la population. Et pourtant, ici aussi, ce sont des hommes qui décideront à l’Assemblée nationale ! Développer un média qui permette cette plate-forme, en regardant les différences dans les pays, je trouve que c’est vraiment notre rôle. 

Diversité, diversité… Que faudrait-il faire pour créer un vrai déclic ? 

Si tout le monde faisait attention à sa responsabilité de manager, ça aiderait à un vrai changement. Les boîtes qui ne bougent pas sont celles qui n’ont pas pris conscience de l’enjeu. Et dont la réputation n’est pas atteinte à travers cette thématique. On devrait les obliger à déclarer leurs intentions et leurs actions en matière de diversité (femmes, minorités…) et pénaliser celles qui ne respectent pas leurs engagements. Il faut aller interpeller les gens. Je suis d’ailleurs favorable à des quotas dans les cas extrêmes de blocage. 

Quels sont, selon vous, les grands axes d’évolution de la société française ? 

Je suis assez positive sur l’ouverture des Français à la diversité. Ceux qui sont en retard, ce sont les décideurs. Quand j’ai commencé ma carrière, on me disait toujours « il faut convaincre les leaders d’opinion ». Je pense que, maintenant,  ce sont des freineurs d’opinion. 

Quelles femmes vous ont beaucoup marquée ? 

Ma mère avant tout. C’est difficile d’en parler car je viens de la perdre… C’est d’ailleurs pour ça que je crois beaucoup en la transmission. Elle avait la générosité, l’ouverture, l’écoute. Et de l’ambition pour les femmes. Après, le modèle suprême en France, c’est Simone Veil. La seule femme qui porte, à la fois, l’histoire du pays, celle de la Shoah, et le droit à l’avortement. 

Un homme qui vous fait ouvrir les yeux ? 

Mandela. Je ne vois pas de plus grand modèle vivant. Cette espèce d’autorité naturelle, de douceur pour accomplir les changements les plus radicaux, sans expression de vengeance, de rancune, c’est époustouflant. Et le successeur, c’est Obama. D’ailleurs, je m’énerve après tous ceux qui ne font que le critiquer. Il faut redonner de l’enthousiasme, et savoir le cultiver ! 

Recueilli par Bams et Marc Cheb Sun 

Photo : homardpayette/ Respect Mag

 

 

 

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